Les mythifications qui ont tenu lieu de biographie à Colomb au cours de
cinq siècles commencent tôt après sa mort. En Espagne, sitôt réglés les
problèmes de sa succession, et ses descendants admis dans la haute
noblesse, il sera avec constance le saint porteur de la foi dans le
Nouveau Continent accordé par Dieu aux Rois Catholiques. L’Historia de las Indias de Las Casas,
critique impartiale de Colomb, y resta inédite pendant trois siècles.
Et à l’époque du premier centenaire de la découverte, Lope de Vega
écrivit El Nuevo Mundo descubierto por Cristóbal Colón, apothéose
d’un élu, insoucieuse de quelque vérité historique. Dans les autres
États européens, son mythe ne cessera de changer de couleur : chevalier
des mers, payé de chaînes par l’ingratitude des souverains espagnols, ou
commis lainier de Gênes, ex-commis des « multinationales » génoises,
simplement avide d’or et escroquant la découverte d’un autre ; en tout
cas toujours « autodidacte », ne touchant ces terres jusqu’alors
inconnues que par hasard, erreur, et sans conscience de ce qu’il
s’agissait d’un Nouveau Monde.
Les documents existent qui devaient
permettre de tout savoir sur Colomb et son œuvre. Au terme d’un long
travail, l’auteur voit peu à peu se dissiper les prétendus « mystères
Colomb », et se dégager un « découvreur », ni héros ni saint, homme de
son temps en ses limites, non dépourvu de très humaines contradictions,
mais certes génial et tendu vers un avenir messianique et utopique à la
fois.