La symphonia vaut pour toute la musique : le titre fait référence
aux chants célestes que la sainte entend lorsqu’elle est ravie en
extase. Après avoir joui des célestes harmonies de ses visions, la
sainte écrivait de la musique destinée à être chantée en public. Le
vocabulaire même de Hildegarde lorsqu’elle décrit ses expériences
mystiques conforte l’idée que le terme de « vision » est impropre à
traduire leur nature ; à diverses reprises, les récits de la sainte
indiquent clairement qu’il s’agit autant de la retranscription d’un
concert céleste que Hildegarde entend lorsque les cieux s’ouvrent pour
elle que d’une expérience simplement visuelle ; audition et vision sont
presque toujours mêlées. La lumière parle et les paroles sont comme une
flamme brillante. Pour Hildegarde, la musique est réminiscence de cette
science divine que l’homme a perdue après la chute, elle est un des
seuls liens qui l’unit encore aux réalités spirituelles et le détourne
de l’accablement que son bannissement du paradis céleste pourrait lui
causer.
L’Ordo Virtutum aurait pu être joué et chanté lors de la
cérémonie de consécration du couvent de Hildegarde sur le mont Rupert le
1er mai 1152, en présence de l’archevêque, du clergé de Mayence et des
familles des jeunes moniales issues de l’aristocratie. L’éloge de la
chasteté qu’on y entend, les reproches adressés aux Vertus par le Diable
au motif qu’elles ignorent les joies de la maternité et de l’union
physique, tout cela peut faire penser que le drame serait une « mise en
jeu » de la liturgie de prise de voile lors de la consécration des
moniales..