Le traitement de logos par Heidegger est complexe: logos
est en effet la cible de sa critique de la Raison et de la Logique,
cette dernière réglant pour les Modernes, en tant que « métaphysique »,
la pensée de ce qui est. - Pour retourner cette tradition, Heidegger
veut trouver chez Héraclite une parenté, qu'il juge originaire, de logos
et d'être. Cette double mise en perspective, critique et ontologique, a
un sol parfaitement explicite, qui est le refus du Logos
néo-testamentaire. Dès lors la « théologie » est par Heidegger tout à la
fois récusée, refoulée, et cependant reconnue ; elle a pour avatar une
pensée de la Parole qui célèbre le Sacré et en appelle au « dernier dieu
». Ce rapport énigmatique commande celui qu'il entretient avec
l'idéalisme allemand. La méditation de logos est ainsi
l'instrument du déni opposé par Heidegger aux onto-théologies,
lesquelles relèvent de la « christianité ». Mais aussi elle inspire la
nostalgie d'une ardeur païenne dont Heidegger invite les Allemands à
puiser les ressources auprès de Hölderlin.