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COLLIN DE PLANCY Jacques  

Dictionnaire infernal - 1863

Édition intégrale

2-84137-290-4 - Année : 2013 - 936 Pages - 37 €

Préface de François Angelier

Sixième édition, augmentée de 800 articles nouveaux
Illustrée de 550 gravures, parmi lesquelles les portraits de 72 démons
Dessinés par M. L. Breton, d'après les documents formels

COMMANDE


Ce livre reproduit les aspects les plus étranges des évolutions de l’esprit humain ; il expose tout ce qui concerne les esprits, lutins, fées, génies, démons, spectres et fantômes, les sorciers et leurs maléfices, les prestiges des charmeurs, la nomenclature et les fonctions des démons et des magiciens, les traditions superstitieuses, les récits de faits surnaturels, les contes populaires. Il ouvre les cent portes fantastiques de l’avenir, par la définition claire des divinations, depuis la chiromancie des bohémiens jusqu’à l’art de prédire par le marc de café ou le jeu de cartes. L’astrologie, l’alchimie, la cabale, la phrénologie, le magnétisme, le spiritisme, ont leur place en des notices qui résument de longs et lourds in-folio. Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy aura passé sa vie à enrichir son œuvre majeure de tous les travaux d’érudits et de folkloristes adonnés aux investigations démoniaques.
Le Dictionnaire est publié pour la première fois en 1818, et a connu six versions éditées du vivant de l’auteur. C’est la sixième et dernière édition, celle de 1863, qui est reprise ici. Elle est à la fois la plus complète sur le plan de l’information et de l’érudition et la plus marquée sur le plan idéologique, obéissant au dogme et aux orientations de l’Église française du second empire. La noirceur enclose dans cette somme est toujours là ; sous l’encens des pieuses pensées perdure à jamais l’odeur de « soufre sec » du fumet diabolique.







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EXTRAIT


Adramelech, grand chancelier des enfers, intendant de la garde-robe du souverain des démons, président du haut conseil des diables. Il était adoré à Sépharvaïm, ville des Assyriens, qui brûlaient des enfants sur ses autels. Les rabbins disent qu’il se montre sous la figure d’un mulet, et quelquefois sous celle d’un paon.

Abrahel, démon succube, connu par une aventure que raconte Nicolas Remy dans sa Démonolâtrie, et que voici : — En l’année 1581, dans le village de Dalhem, au pays de Limbourg, un méchant pâtre, nommé Pierron, conçut un amour violent pour une jeune fille de son voisinage. Or cet homme mauvais était marié ; il avait même de sa femme un petit garçon. Un jour qu’il était occupé de la criminelle pensée de son amour, la jeune fille qu’il convoitait lui apparut dans la campagne : c’était un démon sous sa figure. Pierron lui découvrit sa passion ; la prétendue jeune fille promit d’y répondre, s’il se livrait à elle et s’il jurait de lui obéir en toutes choses. Le pâtre ne refusa rien, et son abominable amour fut accueilli. — Peu de temps après, la jeune fille, ou le démon qui se faisait appeler Abrahel par son adorateur, lui demanda, comme gage d’attachement, qu’il lui sacrifiât son fils. Le pâtre reçut une pomme qu’il devait faire manger à l’enfant ; l’enfant, ayant mordu dans la pomme, tomba mort aussitôt. Le désespoir de la mère fit tant d’effet sur Pierron, qu’il courut à la recherche d’Abrahel pour en obtenir réconfort. Le démon promit de rendre la vie à l’enfant, si le père voulait lui demander cette grâce à genoux, en lui rendant le culte d’adoration qui n’est dû qu’à Dieu. Le pâtre se mit à genoux, adora, et aussitôt l’enfant rouvrit les yeux. On le frictionna, on le réchauffa ; il recommença à marcher et à parler. Il était le même qu’auparavant, mais plus maigre, plus hâve, plus défait, les yeux battus et enfoncés, les mouvements plus pesants. Au bout d’un an, le démon qui l’animait l’abandonna avec un grand bruit, et l’enfant tomba à la renverse…
Cette histoire décousue et incomplète se termine par ces mots, dans la narration de Nicolas Remy : « Le corps de l’enfant, d’une puanteur insupportable, fut tiré avec un croc hors de la maison de son père et enterré dans un champ. » — Il n’est plus question du démon succube ni du pâtre.

Aaron, magicien du Bas-Empire, qui vivait du temps de l’empereur Manuel Comnène. On conte qu’il possédait les Clavicules de Salomon, qu’au moyen de ce livre il avait à ses ordres des légions de démons et se mêlait de nécromancie. On lui fit crever les yeux ; après quoi on lui coupa la langue, et ce ne fut pas là une victime de quelque fanatisme ; on le condamna comme bandit : on avait trouvé chez lui, entre autres abominations, un cadavre qui avait les pieds enchaînés et le cœur percé d’un clou. (Nicélas, Annales, liv. IV.)

Aboyeurs. Il y a en Bretagne et dans quelques autres contrées des hommes et des femmes affectés d’un certain délire inexpliqué, pendant lequel ils aboient absolument comme des chiens. Quelques-uns parlent à travers leurs aboiements, d’autres aboient et ne parlent plus. Le docteur Champouillon a essayé d’expliquer ce terrible phénomène, en l’attribuant aux suites d’une frayeur violente. Il cite un jeune conscrit de la classe de 1853 qui, appelé devant le conseil de révision, réclama son exemption pour cause d’aboiement ; il racontait qu’étant mousse à bord d’un caboteur, il avait été précipité à la mer par un coup de vent ; l’épouvante l’avait frappé d’un tel anéantissement, qu’il n’en était sorti que pour subir des suffocations qui l’empêchèrent de parler pendant une semaine. Lorsque la parole lui revint, elle s’entrecoupa à chaque phrase de cris véhéments, remplacés bientôt par des aboiements saccadés qui duraient quelques secondes. Ces spasmes furent reconnus bien réels, et le conscrit fut réformé.
Mais il y a en Bretagne des aboyeuses qui apportent en naissant cette affreuse infirmité implantée dans quelques familles. Les bonnes gens voient là un maléfice, et nous ne savons comment expliquer une si triste misère.
Nous pourrions citer un homme qui, dans l’agonie qui précéda sa mort, agonie qui dura trois jours, ne s’exprima que par des aboiements et ne put retrouver d’autre langage. Mais celui-là, dans la profanation des églises, en 1793, avait enfermé son chien dans un tabernacle.
Nous connaissons aussi une famille où le père et la mère devenus muets, nous ne savons par quelle cause ni pour quelle cause, n’ont que des enfants muets. Ainsi les frères et les sœurs ne poussent que des cris inarticulés et ne s’entendent pas autrement pour les plus urgents besoins de la vie.

Amour. Parmi les croyances superstitieuses qui se rattachent innocemment à l’amour, nous citerons celle-ci, qu’un homme est généralement aimé quand ses cheveux frisent naturellement. A Roscoff, en Bretagne, les femmes, après la messe, balayent la poussière de la chapelle de la Sainte-Union, la soufflent du côté par lequel leurs époux ou leurs fiancés doivent revenir, et se flattent, au moyen de cet inoffensif sortilège, de fixer le cœur de celui qu’elles aiment. Dans d’autres pays, on croit stupidement se faire aimer en attachant à son cou certains mots séparés par des croix. Voy. PHILTRES, Voy. aussi RHOMBUS.
Il y a eu des amants entraînés par leurs passions qui se sont donnés au démon pour être heureux. On conte qu’un valet vendit son âme au diable à condition qu’il deviendrait l’époux de la fille de son maître, ce qui le rendit le plus infortuné des hommes.
On attribue aussi à l’inspiration des démons certaines amours monstrueuses, comme la passion de Pygmalion pour sa statue. Un jeune homme devint pareillement éperdu pour la Vénus de Praxitèle ; un Athénien se tua de désespoir aux pieds de la statue de la Fortune, qu’il trouvait insensible, Ces traits ne sont que des folies déplorables, pour ne pas dire plus.

Fer chaud (épreuve du). Celui qui voulait se justifier d’une accusation, ou prouver la vérité d’un fait contesté, et que l’on condamnait pour cela à l’épreuve du fer chaud, était obligé de porter à neuf ou douze pas, une barre de fer rouge pesant environ trois livres. Cette épreuve se faisait aussi en mettant la main dans un gantelet de fer sortant de la fournaise, ou en marchant sur du fer rougi. Voy. EMMA. Un mari de Didymotèque, soupçonnant la fidélité de sa femme, lui proposa d’avouer son crime ou de prouver son innocence par l’attouchement d’un fer chaud. Si elle avouait, elle était morte ; si elle tentait l’épreuve, elle craignait d’être brûlée. Elle eut recours à l’évêque de Didymotèque, prélat recommandable ; elle lui avoua sa faute en pleurant et promit de la réparer. L’évêque, assuré de son repentir, et sachant que le repentir vrai restitue l’innocence, lui dit qu’elle pouvait sans crainte, se soumettre à l’épreuve. Elle prit un fer rougi au feu, fit trois fois le tour d’une chaise, l’ayant toujours à la main ; et le mari fut pleinement rassuré. Ce trait eut lieu sous Jean Cantacuzène.
Sur la côte du Malabar, l’épreuve du fer chaud était aussi en usage. On couvrait la main du criminel d’une feuille de bananier, et l’on y appliquait un fer rouge ; après quoi le surintendant des blanchisseurs du roi enveloppait la main de l’accusé avec une serviette trempée dans de l’eau de riz ; il la liait avec des cordons ; puis le roi appliquait lui-même son cachet sur le nœud. Trois jours après on déliait la main et on déclarait le prévenu innocent, s’il ne restait aucune marque de brûlure ; mais, s’il en était autrement, il était envoyé au supplice. — Au reste, l’épreuve, du fer chaud est fort ancienne ; car il en est question dans l’Electre de Sophocle.

Gymnosophistes, philosophes ainsi nommés parce qu’ils allaient nus ou sans habits. Chez les démonomanes, les gymnosophistes sont des magiciens qui obligeaient les arbres à s’incliner et à parler aux gens comme des créatures raisonnables. Tespesion, l’un de ces sages, ayant commandé à un arbre de saluer Apollonius, il s’inclina, et, rabaissant le sommet de sa tête et ses branches les plus hautes, il lui fit des compliments d’une voix distincte, mais féminine, « ce qui surpasse la magie naturelle. »

Héla, fille d’Angerbode et reine des trépassés chez les anciens Germains. Son gosier, toujours ouvert, ne se remplissait jamais. Elle avait le même nom que l’enfer. La mythologie scandinave donne le pouvoir de la mort à Héla, qui gouverne les neuf mondes du Niflheim. Ce nom signifie mystère, secret, abîme. Selon la croyance populaire des paysans de l’antique Cimbrie, Héla répand au loin la peste et laisse tomber tous les fléaux de ses terribles mains en voyageant la nuit sur le cheval à trois pieds de l’enfer (Helhesl). Héla et les loups de la guerre ont longtemps exercé leur empire en Normandie. Cependant, lorsque les hommes du Nord de Haslings devinrent les Normands de Rollon, ils semblent n’avoir pas perdu le souvenir de leurs vieilles superstitions aussi rapidement que celui de leur langue maternelle. D’Héla naquit Hellequin, nom dans lequel il est facile de reconnaître Hela-Kïon, la race d’Héla déguisée sous l’orthographe romaine. Ce fut le fils d’Héla que Richard Sans peur, fils de Robert le Diable, duc de Normandie, rencontra chassant dans la forêt. Le roman raconte qu’Hellequin était un cavalier qui avait dépensé toute sa fortune dans les guerres de Charles-Martel contre les Sarrasins païens. La guerre finie, Hellequin et ses fils, n’ayant plus de quoi soutenir leur rang, se jetèrent dans de mauvaises voies. Devenus de vrais bandits, ils n’épargnaient rien ; leurs victimes demandèrent vengeance au ciel, et leurs cris furent entendus. Hellequin tomba malade et mourut ; ses péchés l’avaient mis en danger de damnation éternelle : heureusement ses mérites comme champion de la foi contre les païens lui servirent. Son bon ange plaida pour lui, et obtint qu’en expiation de ses derniers crimes, la famille d’Hellequin errerait après sa mort, gémissante et malheureuse, tantôt dans une forêt, tantôt dans une autre, n’ayant d’autres distractions que la chasse au sanglier, mais souvent poursuivie elle-même par une meute d’enfer, punition qui durera jusqu’au jugement dernier.

Infidélité. Quand les hommes de certaines peuplades d’Égypte soupçonnaient leurs femmes d’infidélité, ils leur faisaient avaler de l’eau soufrée, dans laquelle ils mettaient de la poussière et de l’huile de lampe, prétendant que, si elles étaient coupables, ce breuvage leur ferait souffrir des douleurs insupportables ; espèce d’épreuve connue sous le nom de calice du soupçon.

Ma, nom japonais de l’esprit malin ; on le donne au renard, qui cause de grands ravages au Japon, où des sectaires n’admettent qu’une espèce de démons, qui sont les âmes des méchants, lesquelles, après la mort, sont uniquement destinées à animer les renards.

Melchom, démon qui porte la bourse ; il est aux enfers le payeur des employés publics.

Milon, athlète grec, dont on a beaucoup vanté la force prodigieuse. Galien, Mercurialis et d’autres disent qu’il se tenait si ferme sur une planche huilée, que trois hommes ne pouvaient la lui faire abandonner. Athénée ajoute qu’aux jeux Olympiques il porta longtemps sur ses épaules un bœuf de quatre ans, qu’il mangea le même jour tout entier ; fait aussi vrai que le trait de Gargantua, lequel avala six pèlerins dans une bouchée de salade.

Margaritomancie, divination par les perles. On en pose une auprès du feu ; on la couvre d’un vase renversé, on l’enchante en récitant les noms de ceux qui sont suspects. Si quelque chose a été dérobé, au moment où le nom du larron est prononcé, la perle bondit en haut et perce le fond du vase pour sortir ; c’est ainsi qu’on reconnaît le coupable.

Moloch, prince du pays des larmes, membre du conseil infernal. Il était adoré par les Ammonites sous la figure d’une statue de bronze assise dans un trône de même métal, ayant une tête de veau surmontée d’une couronne royale. Ses bras étaient étendus pour recevoir les victimes humaines : on lui sacrifiait des enfants. Dans Milton, Moloch est un démon affreux et terrible couvert des pleurs des mères et du sang des enfants.
Les rabbins prétendent que dans l’intérieur de la statue du fameux Moloch, dieu des Ammonites, on avait ménagé sept espèces d’armoires. On en ouvrait une pour la farine, une autre pour les tourterelles, une troisième pour une brebis, une quatrième pour un bélier, la cinquième pour un veau, la sixième pour un bœuf, la septième pour un enfant. C’est ce qui a donné lieu de confondre Moloch avec Mithras, et ses sept portes mystérieuses avec les sept chambres. Lorsqu’on voulait sacrifier des enfants à Moloch, on allumait un grand feu dans l’intérieur de cette statue. Mais afin qu’on n’entendît pas leurs cris plaintifs, les prêtres faisaient un grand bruit de tambours et d’autres instruments autour de l’idole. Voy. MYSTERES.



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