Première édition française, traduite de la Patrologie Latine, des œuvres physiques d'Hildegarde de Bingen.
Frappée de lumière, Hildegarde entend la musique sacrée de la
vie : elle pose son regard sur les plantes, les métaux, les rochers, les
animaux, en y voyant à chaque fois une étincelle de paradis. Sous la
plume d'Hildegarde, chaque élément sensible se transfigure, devient
sensible et sensuel, agité d'humeurs malignes ou de langoureuses
caresses.
Science ou art de voir ? On trouve la trace d'antiques
savoirs, mais aussi l'expression d'une « solidarité » avec toutes les
formes, visibles ou invisibles, du vivant.
Table des matières / Extraits
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EXTRAIT
Ch. XIX: LA RUBELLITE (Ligurius)
La rubellite est chaude. Elle naît de n'importe quelle urine et
particulièrement de celle du lynx. En effet, le lynx n'est pas un animal
lascif, libidineux ou immonde, mais il a, en quelque sorte, un
tempérament égal. Sa puissance est si grande qu'elle pénètre dans les
pierres, et sa vue est si pénétrante qu'il est rare qu'elle soit
obscurcie. Ce n'est pas toujours que son urine donne naissance à une
rubellite, mais simplement quand le soleil est plein d'ardeur, que le
vent est faible, doux et bien tempéré. En effet, cet animal trouve sa
joie dans la chaleur et la pureté du soleil, ainsi que dans la douceur
d'un vent léger. Lorsque, dans ces conditions, il veut uriner, il creuse
la terre de son pied et répand son urine dans le trou: c'est alors que,
sous l'effet de l'ardeur solaire, la rubellite se coagule et prend
forme.
Du fait de l'éclat du soleil et de la douceur de l'air qui, en touchant
l'animal, lui ont causé grande joie, du fait également de sa grande
force, son urine se réchauffe et, lorsqu'elle est émise, elle se coagule
dans le trou, et il se forme ainsi dans la terre l'agglomérat d'une
pierre magnifique, qui est plus douce que les autres pierres.
Si on souffre beaucoup de l'estomac, il faut mettre une rubellite
pendant un moment dans du vin, de la bière ou de l'eau; le liquide
s'imprègne des vertus de la pierre et les prend en lui. Répéter cela
pendant cinq jours et donner un peu de ce liquide à boire au malade,
quand il a mangé, et non quand il est à jeun. Et il n'y a aucune fièvre
ni aucune maladie, si forte soit-elle, sauf si elle est mortelle, dont
son estomac ne puisse ainsi être débarrassé, purifié et sauvé, sauf s'il
s'agit de la mort. Mais que personne d'autre n'aille prendre de cette
potion pour une maladie autre que celles de l'estomac. Il ne pourrait
survivre, car sa force est telle qu'elle causerait du tort à son cœur et
ferait éclater sa tête.
En revanche, si quelqu'un éprouve des difficultés à uriner, au point de
ne plus pouvoir émettre d'urine, il mettra une rubellite pendant une
journée dans du lait de vache ou de brebis, mais pas de chèvre. Le
second jour il l'enlèvera, fera chauffer ce lait et l'absorbera. Il fera
pendant cinq jours et il débloquera ainsi la source de l'urine.