Bergers de Bethléem (1612) est un des chefs-d’œuvre (inédit en 
français) de Lope de Vega et l’un de ses plus grands succès (on n’en 
compte plus les rééditions ou réadaptations). Écrit en pleine maturité, 
au sommet de sa gloire, il s’agit d’une de ses œuvres totales, de celles
 qui résument tout son art. Lope, à l’âge de cinquante ans, avant d’être
 accepté dans le tiers-ordre franciscain, vient d’entrer dans la 
congrégation des « esclaves du Très-Saint Sacrement ». Il s’agira, selon
 ses propres dires, de ses « meilleures années », durant lesquelles il 
composera de nombreuses pièces religieuses (dont ses fameux Soliloques amoureux d’une âme à Dieu).
		Trois genres littéraires s’imbriquent dans Bergers de Bethléem.
 D’abord, le genre didactique (paraphrase des Étymologies d’Isidore de 
Séville) qui constitue en soi un bon document sur la pratique de 
l’exégèse teintée d’astrologie et d’ésotérisme que les auteurs 
renaissants utilisaient sans complexe à la Renaissance, y compris dans 
leurs ouvrages apologétiques. On retrouve aussi et surtout dans cette 
œuvre le génie poétique de Lope : la plupart des spécialistes 
s’accordent pour dire que les sonnets, gloses, romances, villanelles, 
paraphrases psalmiques, etc., de Bergers de Bethléem sont parmi 
les plus inspirées de son œuvre. On sait son excellence à décrire le 
sentiment amoureux et à camper comme de l’intérieur des personnages de 
femmes (cf. La Dorotea). On connaît moins sa manière d’exprimer 
le sentiment enfantin sous ses multiples aspects qui touchent ici au 
sublime. En dernier lieu, on retrouve évidemment le génie théâtral de 
Lope à travers ses nombreux dialogues (louanges, défis, jeux de mots, 
etc.) des bergers entre eux et avec chaque personnage rencontré en cours
 de route. Ces dialogues, à la fois naïfs et savants, selon la loi du 
genre, ont le liant indispensable pour rendre crédible le passage du 
didactique au poétique.