On va trouver dans ces pages la nouvelle édition d’un document
exceptionnel, aujourd’hui pratiquement introuvable. Le Journal de santé
de Louis XIV, rédigé durant cinquante-huit années de la vie du monarque
par ses médecins, A. Vallot, A. Daquin et G.-C. Fagon, constitue en effet, aux côtés du Journal d’Héroard,
un monument d’histoire médicale et culturelle du xviie siècle, en même
temps qu’un document indispensable à une « bio-histoire » de la
monarchie. « Le roi, de page en page, est purgé et chanté » : c’est
ainsi que Michelet en résume le contenu dans sa célèbre Histoire de
France. Et c’est bien en effet un dévoilement du simple corps du roi
auquel on assiste au fil du texte, celui des « incommodités » et des
misères physiques, bien loin des postures hiératiques de la légende
monarchique : fièvres, migraines, embarras digestifs, selles, vents,
cicatrices, cauchemars, mauvaise haleine, tænia, une gourmandise
maladive, une goutte qui finira par se transformer en gangrène, et bien
sûr la fameuse opération de cette fistule venue saper le fondement même
de l’incarnation monarchique. Et l’on réalise alors à quel prix ce
prince, « si travaillé de l’intérieur » comme dit Sainte-Beuve, sut
faire d’un idéal stoïcien de maîtrise de soi un programme de
gouvernement, afin de conserver à la majesté le double corps de son
apparence.
Historien du corps, Stanis Perez a consacré plusieurs travaux à la santé et au règne de Louis XIV.