« Le Soleil, ni la
Mort ne se peuvent regarder fixement » prétend le moraliste. Pourtant,
lorsqu’il s’agit des derniers jours d’un roi, les courtisans accourent,
les ambitieux trépignent et les cabales vont bon train autour d’un
agonisant que chacun surveille du coin de l’œil. Aussi, nombreux sont
les témoins directs ou indirects a avoir laissé des textes relatant ces
faits trop importants pour ne pas être censurés par les conventions et
la « propagande » officielle. Souvent tombées dans l’oubli,
quelques-unes de ces archives ont été sélectionnées et, pour certaines,
traduites et publiées pour la première fois. Elles décrivent, de Charles
Quint à Louis XV, le trépas de monarques français et espagnols, les cas
de régicides ayant été exclus.
Faisant œuvre de thuriféraires, de curieux ou de détracteurs, les
médecins, les clercs et les courtisans à l’origine de ces pages
édifiantes ont souhaité léguer à la postérité un ultime portrait de leur
souverain. Parce qu’elles pointent du doigt le drame universel de la
mort, ces vanités baroques s’attardent sur des corps que la souffrance
réduit à leur plus simple humanité. Si, dans bien des cas, l’obscénité
des descriptions est rachetée par le miracle d’une sainteté naissante,
il arrive aussi que la comédie du dernier soupir achève un travail de
désenchantement sans retour.
Variés de par leur nature, leur origine et leur date, tous ces
documents jettent un dernier regard sur le crépuscule de personnages
tentés par l’immortalité. Ainsi, malgré les mythologies chargées
d’exorciser la royale mélancolie et de garantir la continuité de l’État,
les rois finissent tous par mourir sur la scène politique qui les a vu
naître et grandir. Une leçon pour tous les temps…
S. P.
Historien du corps, membre de la Société internationale d’histoire
de la médecine, Stanis Perez est spécialiste du Grand Siècle. Il a
notamment publié une nouvelle édition du Journal de santé de Louis XIV
(dans la même collection, 2004).