Lorsqu'on trouve un Livre sans titre dans le fonds ancien d'une
bibliothèque, on se dépêche de l'ouvrir. Un tel titre — car c'en est
un — aiguise la curiosité. Le voile demande à être levé. Quel terrible
secret, quelle compromettante vérité, quelles peintures immorales
peut-il bien chercher à recouvrir ? Le truc est ancien et la littérature
licencieuse ne s'est pas privée d'y recourir : dresser un paravent
invite à passer outre et à regarder qui se déshabille de l'autre côté.
D'emblée, notre imagination joue avec l'obstacle, reconstitue ce qui est
dissimulé, et l'on se délecte d'avance du divertissement promis. C'est
là toute l'ambiguïté de ce livre. Car ce livre parle de ça. De ce crime
abominable connu pour être « le mal » ou « le vice » dans l'absolu,
de ces habitudes « funestes » ou « solitaires », ces « excès »
honteux, cet « espèce de suicide », cet « acte contre nature », ce « flétrissement de soi », ce « vice qui nous tue ».
Or, ça, c'est la masturbation.