Grand méditant d'Eve et de l'Eden perdu, Léon Bloy ne cesse de mettre la figure, charismatique et signifiante, de la femme au coeur de son oeuvre et de sa méditation catholique. Il était donc normal qu'il croise un jour la figure de Jeanne d'Arc. Rencontre tardive néanmoins car liée avant tout à la Première guerre mondiale. Bloy a alors 68 ans, qui voit en France la Pucelle acclamée comme sauveuse de la nation et rédemptrice. Prenant le contre-pied de Michelet et d'Anatole France, Bloy lui consacrera cet unique livre. Toutes les orgues de la fureur bloyenne jouent à plein dans ce brûlot politique et mystique tout à la fois. Se basant sur une solide documentation historique, Bloy mêle méditation sur l'actualité du conflit, faisant une large part à sa détestation de l'Allemagne barbare et luthérienne (qui fait jeu égal avec l'Angleterre de la Guerre de cent ans), et réflexion hagiographique sur la figure de la Pucelle. On voit ainsi défiler tout au long du texte des chapitres sur la lieutenance spirituelle du roi de France, la mission miraculeuse de la bergère de Domremy, «âme de la France», son épopée de prophétesse militaire, le procès et le bûcher en lequel Bloy voit un «holocauste», la question de sa canonisation (qui n'interviendra qu'en 1926). Fruit d'une époque, ce livre bref et crépusculaire, écrit au son du canon, incarne au mieux au travers de Jeanne, «monstre de sainteté», la radicalité du spiritualisme catholique de Léon Bloy.