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DALEAU François  

Carnets d’excursions (1869-1925)

2-84137-385-7 - Année : 2021 - 730 Pages - 42 €
Préface de Marc Groenen
800 gravures et dessins nb

COMMANDE


Né à Bourg en Gironde le 11 juin 1845, François Daleau a consacré sa vie à fouiller de nombreux sites archéologiques, parmi lesquels les grottes paléolithiques de Jolias et des Fées, l’allée couverte de Peyrelebade ou les sépultures gallo-romaines du Plantier-Neuf. À partir de 1881, il entreprend la fouille de la grotte de Pair-non-Pair à Marcamps, dans laquelle il découvre de riches niveaux archéologiques du Paléolithique moyen et supérieur, des objets d’art mobilier et surtout les remarquables gravures animales qui en décorent les parois.
Lorsqu’il décède le 16 novembre 1927 dans sa ville natale, François Daleau lègue à la postérité l’ensemble de ses collections (quelque 30.000 pièces) ainsi que des milliers de pages manuscrites, dont les douze carnets d’excursions constituent un véritable journal de fouilles avant la lettre.
Cet autodidacte énergique et enthousiaste peut aujourd’hui légitimement apparaître comme le fondateur de l’archéologie préhistorique. Il a, en effet, créé des méthodes qui n’ont été mises en œuvre par les préhistoriens qu’à partir du milieu du 20e siècle.

L’ouvrage consacré à F. Daleau par Marc Groenen : https://www.millon.fr/livres/432-prehistoire-l-rsquo-homme-des-origines-groenen-marc-francois-daleau...


Article de Libération ci-dessous 




Article de Robert Maggiori dans Libération :

Considéré comme le fondateur de l’archéologie préhistorique, l’autodidacte girondin, mort en 1927, est tombé dans l’oubli. Deux publications sont l’occasion de le redécouvrir.


Au début du XIXe siècle, il n’y avait là que prés et champs, laissés aux vaches. L’une d’elles se prend la patte dans une ornière. Pour l’en dégager, un paysan élargit le trou et s’aperçoit que la terre est plutôt meuble, comme si elle recouvrait une sorte de puits. On fait alors appel à un érudit local, un autodidacte natif de Bourg-sur-Gironde, qui avait une fine connaissance du patrimoine départemental, en avait dressé la carte archéologique et avait déjà à son actif plusieurs fouilles fructueuses. Arrivé sur place, cet homme de terrain note que la cavité est presque entièrement comblée de sédiments, et entame aussitôt des fouilles à la pioche, car les restes, de «façon indubitable», lui indiquent «une habitation de l’époque préhistorique». Des silex, une dent de cheval et des débris de bœuf lui font penser en outre que les habitants de l’antre «devaient être contemporains de ceux de la grotte des Fées, située à quelque cent mètres de là», c’est-à-dire de l’âge du Renne. C’était le 6 mars 1881. François Daleau venait de découvrir la grotte ornée de Pair-non-Pair.


Œuvre sans égal


L’annonce officielle en est faite au congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences (Afas), à Alger, le 18 avril 1881. L’autodidacte girondin va travailler sur le site pendant plus de vingt ans. Par ses 800 «excursions archéologiques», ses collections, sa technique de prospection et de fouille, le mode d’enregistrement et de classement des matériaux recueillis, une méthode de travail fonctionnelle, «intégrant le temps long de la stratigraphie archéologique», Hyacinthe Daleau, dit François, invente quelque chose de nouveau, si bien qu’il peut être tenu pour le père fondateur de l’archéologie préhistorique – que l’histoire des sciences où il a occupé, de son vivant, une place d’honneur semble cependant avoir bien oublié.

De tout ce qu’il observe, tout ce qu’il découvre, dans cette grotte-ci et dans bien d’autres, tout ce qu’il repère, tout ce qu’il achète pour enrichir sa collection – des pièces archéologiques, des objets ethnographiques, des documents d’archive, mais aussi, au hasard de ses voyages en Europe ou en Afrique, des cartes postales, des timbres, des pièces, des «fragments de mosaïque», des billes romaines, des sifflets en terre cuite, des épingles, des bagues, des «haches à bord droit en bronze», ou l’«empreinte d’un tissu sur argile» – de tout, donc, il garde une trace écrite, une annotation, une description, qui sont comme les «mots», la grammaire et la syntaxe d’une science en train de se constituer. L’ensemble est consigné dans ses Carnets d’excursions, œuvre sans égal, dont il était fou de penser qu’elle serait un jour éditée. Ce «journal de fouilles», tenu au jour le jour par Daleau de 1869 à 1925, illustré de 1 126 dessins au trait, de sa main, paraît à présent, en même temps que François Daleau - Fondateur de l’archéologie préhistorique, de Marc Groenen, qui éclaire à la fois le personnage et l’œuvre, et confronte ses travaux précurseurs à ceux de ses contemporains, notamment les préhistoriens Gabriel et Adrien de Mortillet, Emile Cartailhac, Louis Capitan ou l’abbé Henri Breuil. L’essentiel des richesses qu’il contient (dont il emplit sa propriété de Bourg, l’Abbaye, et dont hériteront le musée d’Aquitaine et le Muséum d’histoire naturelle de Bordeaux) relève de l’archéologie.


Au collège de façon intermittente


Mais, en fait, rien n’est étranger à Daleau : sa curiosité sans borne le conduit à s’intéresser à la «morphologie du hameçon bifide en os» comme au «procède de fabrication du chocolat à bras» ou aux «tuiles à crochade». On trouve ainsi dans ses Carnets des notations de toute sorte, sur les personnes qu’il rencontre, les villes et les villages qu’il visite, les transformations des outils et des gestes du travail, les progrès techniques (de l’éclairage à la chandelle de résine aux lampes à huile et à l’éclairage électrique, de la patache au tramway hippomobile et à la voiture…) : il n’est donc pas illégitime de considérer qu’une telle source d’information puisse «avantageusement alimenter une anthropologie des milieux ruraux de la deuxième moitié du XIXe et du début du XXe siècle».


Son immense savoir – que révèlent ses nombreuses publications, portant sur le Paléolithique, le Néolithique, l’âge du Bronze, mais aussi le monde gallo-romain, le Moyen Age, l’histoire moderne, l’ethnographie, la zoologie, la botanique, la numismatique –, Daleau ne l’a pas acquis à l’école. Fils de notaire, il a fréquenté un collège privé de Blaye, mais de façon intermittente, devant sans cesse «prendre les eaux» dans des stations thermales pour soulager la douleur qui tenaillait ses jambes. Atteint du mal de Pott, forme de tuberculeuse osseuse touchant la colonne vertébrale, il ne pouvait marcher qu’avec une canne – ce qui fait imaginer la souffrance qu’il infligeait à son corps lorsque dans les chantiers il restait des heures à fouiller la terre à la truelle dans des postures de contorsionniste. Il devient un temps commis chez un négociant. Mais l’histoire naturelle l’attire. Il suit alors les cours de quelques maîtres choisis, et s’initie ainsi à la géologie, à la zoologie, à la conchyliologie, à l’archéologie et à l’anthropologie. Il se forme vraiment, toutefois, en fréquentant les sociétés savantes, auxquelles il adhère et dont il devient vite un membre éminent, comme la Société linnéenne de Bordeaux, la Société archéologique, la Société d’anthropologie, la Société de géographie commerciale – assistant aux réunions et aux congrès qui seront autant d’occasions de rencontrer les sommités scientifiques et de se garantir une «information toujours actualisée».


Fouilles avec une précision d’entomologiste


C’est vers 1869 qu’il commence à faire des prospections archéologiques, et à s’intéresser à la préhistoire, sans doute motivé par Jean-Baptiste Gassies, chargé à l’époque de créer le Musée préhistorique municipal de Bordeaux. Ses premiers chantiers révèlent déjà des merveilles : entre autres celles du site de Jolias et de la grotte des Fées – première station magdalénienne étudiée en Gironde –, de l’abri sous roche de Marmisson et de La Lustre, de la station de La Bretonne ou de la ballastière de Marignac. Mais c’est bien sûr la découverte de Pair-non-Pair qui va changer sa vie, et changer aussi l’archéologie. Daleau effectue en effet les fouilles avec une précision d’entomologiste, mettant en place des méthodes novatrices, notamment le déblaiement progressif des couches archéologiques qui comblent la grotte, la prise de notes systématique, les graphiques, les dessins, la description de chaque vestige et de son exacte position stratigraphique.

De cette demeure primitive, où les hommes se sont d’emblée livrés à des activités symboliques et esthétiques (on a retrouvé des boules d’ocre et des omoplates de bovidés maculées d’hématite servant de «palette», utilisées pour peindre les parois ou les sols, sinon les corps), Daleau extrait, outre 6 000 ossements animaux, 15 000 outils en silex, en os ou en ivoire et, dès 1883, met au jour les gravures rupestres des quadrupèdes herbivores, les bouquetins, les chevaux, le cerf géant… «J’essaie de relever la gravure représentant l’équidé sur la paroi de la caverne. Je pose un papier sur la sculpture et je passe ensuite un charbon dessus, puis je crayonne. Je relève une assez bonne épreuve. En examinant la paroi vers le nord, peu après l’équidé, je crois voir deux jambes et peut-être le ventre d’un éléphant !» Chaque jour, inlassablement, il vide de ses boues l’habitat paléolithique, et libère les parois, offrant à la vue les peintures rupestres, l’éveil de l’art.


Il avait à assurer bien d’autres tâches pourtant – dont celle de gagner sa vie. Il était viticulteur en fait, gérant des propriétés viticoles de son oncle Maxime Bizard. Ses activités d’archéologue étaient même scandées par le travail de la vigne, souvent obéré par les «maladies cryptogamiques», le phylloxéra ou «le Cochylis, petite chenille qui fait de très grands ravages dans nos vignobles». Au domaine de Barbe, non loin de Bourg, et au château Coudet, à Saint-Laurent-d’Arce, le «fondateur de l’archéologie préhistorique » produisait d’excellents vins rouges.

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