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DINOUART Abbé  

L'Art de se taire - 1771

2-84137-038-0 - Année : 1986 - 96 Pages - 5 €
PCA n° 3
Présenté par Claudine Haroche et Jean-Jacques Courtine

COMMANDE


« On ne doit cesser de se taire que lorsqu'on a quelque chose à dire qui vaut mieux que le silence. »

La réédition de l'Art de se taire (1771) a voulu obéir elle-même à ce principe que le traité énonce.
Mais on ne saurait, sans paradoxe, parler du silence. Et l'ouvrage est bien un paradoxal art de parler: quand cesse le langage, c'est alors le corps qui parle. L’Art de se taire est un art de l'éloquence du corps, ce chapitre oublié de la rhétorique classique.
Le corps éloquent y est modéré par les exigences de la civilité. On découvre là un idéal psychologique de contenance et de maîtrise de soi — «Jamais l'homme ne se possède plus que dans le silence» —, hanté par la crainte de la dissipation; un modèle de conduite ordinaire de la vie dominé par la retenue, la circonspection, voire la réticence: éléments d'une archéologie de la prudence.
L’Art de se taire est ainsi un gouvernement de soi, mais aussi un gouvernement des autres; et le silence est une catégorie politique: « Le silence politique est celui d'un homme prudent, qui se ménage, se conduit avec circonspection, qui ne s'ouvre point toujours, qui ne dit pas tout ce qu'il pense, qui n'explique pas toujours sa conduite et ses desseins; qui, sans trahir les droits de la vérité, ne répond pas toujours clairement, pour ne point se laisser découvrir».
Le traité de Dinouart conduit alors à un ensemble d'interrogations sur la fonction du silence en politique, étrangement actuelles.


TABLE DES MATIERES

Présentation
J.-J. Courtine et C. Haroche

Préface

PREMIERE PARTIE

Introduction principes nécessaires pour se taire

Différentes espèces de silences

Les causes des différentes espèces de silences

SECONDE PARTIE

Introduction

On écrit mal

On écrit trop

On n'écrit point assez

Principes nécessaires pour s'expliquer par les écrits et par les livres



EXTRAIT


CHAPITRE PREMIER
Principes nécessaires pour se taire

  1. On ne doit cesser de se taire, que quand on a quelque chose à dire qui vaut mieux que le silence.
  2. Il y a un temps pour se taire, comme il y a un temps pour parler.
  3. Le temps de se taire doit être le premier dans l'ordre; et on ne sait jamais bien parler, qu'on n'ait appris auparavant à se taire.
  4. Il n'y a pas moins de faiblesse, ou d'imprudence à se taire, quand on est obligé de parler, qu'il y a de légèreté et d'indiscrétion à parler, quand on doit se taire.
  5. Il est certain qu'à prendre les choses en général, on risque moins à se taire qu'à parler.
  6. Jamais l'homme ne se possède plus que dans le silence : hors de là, il semble se répandre, pour ainsi dire, hors de lui?même, et se dissiper par le discours, de sorte qu'il est moins à soi qu'aux autres.
  7. Quand on a une chose importante à dire, on doit y faire une attention particulière: il faut se la dire à soi? même, et après cette précaution, se la redire, de crainte qu'on ait sujet de se repentir, lorsqu'on n'est plus le maître de retenir ce qu'on a déclaré.
  8. S'il s'agit de garder un secret, on ne peut trop se taire; le silence est alors une des choses dans lesquelles il n'y a point ordinairement d'excès à craindre.
  9. La réserve nécessaire pour bien garder le silence dans la conduite ordinaire de la vie n'est pas une moindre vertu, que d'habileté et l'application à bien parler; et il n'y a pas plus de mérite à expliquer ce qu'on sait, qu'à bien se taire sur ce qu'on ignore. Le silence du sage vaut quelquefois mieux que le raisonnement du philosophe; le silence du premier est une leçon pour les impertinents, et une correction pour les coupables.
  10. Le silence tient quelquefois lieu de sagesse à un homme borné, et de capacité à un ignorant.
  11. On est naturellement porté à croire qu'un homme qui parle très peu n'est pas un grand génie, et qu'un autre qui parle trop est un homme étourdi, ou un fou. Il vaut mieux passer pour ne point être un génie du premier ordre, en demeurant souvent dans le silence, que pour un fou, en s'abandonnant à la démangeaison de trop parler.
  12. Le caractère propre d'un homme courageux est de parler peu, et de faire de grandes actions. Le caractère d'un homme de bon sens est de parler peu, et de dire toujours des choses raisonnables.
  13. Quelque penchant qu'on ait au silence, on doit toujours se méfier de soi?même; et si on avait trop de passion pour dire une chose, ce serait souvent un motif suffisant pour se déterminer à ne plus la dire.
  14. Le silence est nécessaire en beaucoup d'occasions, mais il faut toujours être sincère;

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