Si la partie « A » du volume x des Husserliana, c’est-à-dire les désormais classiques Leçons sur la conscience intime du temps
élaborées par Edith Stein et publiées par Martin Heidegger en 1928, est
depuis longtemps à la disposition du lecteur d’expression française, la
place exceptionnelle qu’occupe la question du temps dans la philosophie
en général, et dans la phénoménologie de Husserl en particulier,
justifie qu’on livre enfin au public la partie « B » qui regroupe des
textes de la période 1893-1917 pour la plus large part écartés par la
compilation trop systématiquement recomposée d’E. Stein.
Les perspectives qu’ouvre ce volume, formant une unité
indépendante en soi, non seulement ne peuvent pas s’acquérir à partir du
corpus Stein/Heidegger, mais surtout permettent de mieux comprendre la
complexité et l’évolution d’une recherche inlassable seulement condensée
dans les Leçons, et de cerner les apories qui sont « au travail »
de façon incessante dans les textes ici traduits et qui tiennent, en
leur racine commune, à la conception unidimensionnelle de la temporalité
à laquelle Husserl n’a jamais voulu renoncer.
C’est la phénoménologie de la perception qui, encore une fois,
fournit le cadre initial des analyses : l’intentionnalité s’y institue
selon un mode de temporalisation qui est celui du présent vivant en flux
continu, muni de ses rétentions et de ses protentions. Cette affinité
élective entre intentionnalité et temps conduit même à dégager une
double intentionnalité, dont on peut se demander en quel sens elle est
encore intentionnalité, et qui est très vite vouée à déborder cette
effectuation conscientielle spécifique qu’est la perception pour
s’affronter aux redoutables problèmes de l’intropathie et de la phantasia.
La part est ainsi faite à la fois aux analyses concrètes — satisfaisant par là à l’exigence d’attestabilité
de la phénoménologie —, aux analyses formelles — souvent par
abstraction géométrisante des premières —, mais aussi au dialogue
d’ordre historique avec les conceptions contemporaines que défendaient
alors Brentano, Meinong ou Stern.
Le texte est précédé d’une riche introduction restituant les présentations des deux éditions allemandes existantes.